Les contes de l’espace carpato-danubien n’ont pas fait l’objet de nombreuses traductions. On leur reproche souvent un anthropomorphisme excessif ainsi qu’un penchant certain pour la cruauté. N’est-ce pas là le cas d’un bon nombre de contes provenant de tous horizons et dont les rudesses se sont estompées progressivement, au fur et à mesure de trop mièvres adaptations ?
Il est connu que les enfants aiment se faire peur. Ils adorent aussi bien les tours de magie que les rebondissements spectaculaires. Ils se laissent volontairement charmer par un animal ensorceleur, duper par une supercherie, abuser par une superstition. Le monde fantastique constitue pour eux un univers idéal d’évasion dans lequel ils se complaisent à s’identifier tour à tour à chacun des personnages campés.
Imprégnés d’éléments traditionnels folkloriques, les contes du présent recueil abondent en régionalismes, par ailleurs succulents, qui rendraient difficile la lecture d’une traduction proche du texte. Nous avons opté, au bénéfice du lecteur contemporain, pour une adaptation moderne des textes retenus ; aussi la présente édition bilingue se veut-elle, tout à la fois, une évocation nostalgique à l’intention des connaisseurs du roumain, et une incitation adressée au lecteur francophone, jeune ou moins jeune, pour découvrir un monde étrange et nouveau.
À l’exception de Povestea pâinii (l’Histoire du pain), version anonyme, les textes proposés sont tous signés par Ion CREANGA (1839?1889). Son nom demeure à jamais gravé dans la mémoire des Roumains pour avoir bercé les rêves d’enfance de dizaines de générations grâce à son talent inégalé de conteur.
Le recueil Contes des Carpates réunit cinq histoires traditionnelles, dont quatre sont revisitées et rééditées, deux par deux dans les recueils suivants :
1. La revanche du pain (recueil bilingue). Collection « Légende des mondes ». Paris, l’Harmattan, 2004.
« C’est en endurant toutes ces épreuves, dit le pain, que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui : un beau pain trônant au milieu de la table ».
Mettant en scène un garçon laborieux et son veau merveilleux, cette histoire surprend par son côté absurde : un pacte conclu avec un serpent qui s’obstine à le faire respecter par son co-contractant, est démonté par la démonstration d’endurance à laquelle se livre un pain !
Quelle en est la logique ?
Elle reste à découvrir…
Dans le même recueil : L’Histoire du cochon
Pleine de rebondissements, d’éléments merveilleux, d’épreuves et de témoignages d’amour, la trame de cette histoire rappelle de vieux souvenirs…
2. La petite bourse aux pièces d’or (recueil bilingue). Collection « Légende des mondes ». Paris, l’Harmattan, 2003.
Le seigneur avait tant de louis d’or qu’il n’en savait même pas le nombre ! Le coq se mit tout de suite à avaler avec gloutonnerie tous les jaunets, laissant les coffres vides comme si jamais ils n’avaient été pleins. Ensuite, il sortit de la chambre au trésor – par où et comment, lui seul pourrait le dire – et s’en vint à nouveau sous les fenêtres du seigneur, pour recommencer son chant :
Cocorico ! Grand Seigneur !
Rends-moi ma bourse aux pièces d’or !
Dans le même recueil : La Chèvre et ses trois biquets
La mère chèvre doit partir chercher de la nourriture pour ses petits. Avant de les quitter, elle leur dit bien de ne pas ouvrir la porte à un inconnu. Quant à elle, pour se faire reconnaître, elle fredonnera un petit refrain :
Trois p’tits biquets à bossettes
Ouvrez la porte à chevrette !…
C’était sans compter avec la visite du compère loup…
Editées en Roumanie, en format bilingue, ces deux histoires ont réussi à emporter l’unanimité du Jury, qui a attribué le 5 décembre 2006, à Paris, au Musée de la Monnaie, le prestigieux Prix « Saint-Exupéry – Valeurs Jeunesse » pour la Francophonie à la maison d’éditions roumaine Paralela 45, avec félicitations pour l’auteur des adaptations.
Référence complète: Contes des Carpates: histoires roumaines, Mariana COJAN NEGULESCO, Édition bilingue, illustrations D. Durin, L’Harmattan, Paris 1996.
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